Le Multiculturalisme : Un petit pas pour la diversité, un grand bond pour l’humanité

11/02/2014

Le Multiculturalisme n’est pas un concept abstrait : résultat de la mobilité des populations, les sociétés sont quasiment toutes multiculturelles. Elles regorgent d’un large éventail de groupes ethniques, religieux et linguistiques dont la coexistence est souvent source de conflits et d’incompréhension. Faut-il alors considérer qu’il est impossible pour l’homme de s’ouvrir à d’autres cultures sans éviter les heurts et recourir inévitablement à l’uniformisation pour garantir une plus grande cohésion ? Ou, au contraire, s’agit-il pour l’homme de voir dans la diversité des cultures un moyen d’élargir sa connaissance et de comprendre ainsi ce qui fait son humanité ? Ce dilemme est au cœur des débats contemporains.

La société multiculturelle : une constante de l’histoire humaine

La migration humaine est un phénomène aussi ancien que l’humanité. De tout temps, maintes raisons ont poussé les hommes à migrer hors de sa terre natale : conditions climatiques peu clémentes, guerres, colonisations, persécutions religieuses ou politiques, misère, épidémies… Le visage multiculturel des nations contemporaines, modelé par de nombreuses vagues migratoires d’origines variées, est le fruit de l’histoire.

Ainsi la Russie, Etat le plus vaste de la planète, a rassemblé une mosaïque de plus de 120 nationalités au fil de différentes annexions territoriales. Le Canada, se définissant comme une nation bilingue, a réuni plus de 200 origines ethniques sur son territoire. Les Etats-Unis, première terre d’immigration du monde, sont depuis toujours pluriethniques. Peuplé à l’origine par les Amérindiens, le pays compte une population parmi les plus diversifiées au monde sur les plans ethnique et culturel, environ 160 langues y sont recensées. La Chine, dont la civilisation est une des plus anciennes au monde, abrite un cinquième de la population du monde composé de 56 identités ethnico-culturelles. Le Brésil, pays le plus vaste et le plus peuplé de l’Amérique latine, compte désormais 170 langues autochtones et une trentaine issues de l’immigration. L’Australie, considérée comme la plus grande île du globe, comprenait déjà 250 tribus lors de la venue des Européens au XVIIIe siècle. La population aborigène couvrait tout le continent, chacune d’entre elle ayant sa propre langue et ses propres lois et dont la culture représente la plus ancienne culture existant sur Terre. Deuxième pays le plus peuplé après la Chine, l’Inde a vu se développer près de 4000 langues différentes dont 23 sont officiellement reconnues.

A l’instar des grandes nations, les pays de superficies plus modestes regroupent également une population de cultures très variées. Le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique, était à l’origine un confluent de civilisations. Il regroupe aujourd’hui plus de 250 groupes ethniques et environ 500 langues. La Suisse, état à la croisée de plusieurs grands pays européens, pratique 4 langues nationales réparties en quatre zones linguistiques déterminées. La population étrangère représente plus d’un cinquième de la population globale, l’un des taux les plus élevés d’Europe. Bien que faiblement peuplé, le Qatar est un véritable essaim culturel, du fait de l’important poids des étrangers : seulement 20 % de la population est composée de nationaux, les 80 % restant sont des expatriés. Quant à Singapour, malgré sa petite superficie de 618 km², il rassemble une population d’une diversité culturelle très importante. Dès sa fondation en 1819, Singapour a été un centre d’immigration cosmopolite.

Ainsi, les pays des quatre coins du monde, peu importe l’étendue de leurs territoires, ont présenté depuis toujours un panorama culturel haut en couleur.

Contre le Multiculturalisme, l’uniformité culturelle garante de la cohésion ?

L’existence d’une pluralité de cultures dans un même pays est un fait. Cependant, malgré ce multiculturalisme avéré, toutes les identités culturelles qui composent le pays ne sont pas officiellement reconnues. Dans la majeure partie des cas, on observe la légalisation des groupes culturels les plus influents du pays. Ces groupes dits « dominants » constituent le noyau culturel de la nation et leurs valeurs et normes servent de références officielles. Autour de ce noyau culturel gravitent une multitude de cultures considérées comme « minoritaires », spécifiques à la population indigène, aux régions ou issues de l’immigration et lesquelles bénéficient que rarement d’un statut légal.

Doit-on comprendre par-là que seul le modèle culturel majoritaire a sa raison d’être aux yeux de la loi ? Pourquoi la reconnaissance légale et la liberté d’expression du particularisme culturel ne sont-elle pas encore à l’ordre du jour dans la majorité des pays ?

Par souci de cohésion, l’uniformité culturelle est préférée à la diversité culturelle. Car, de manière générale, différences riment avec différends. Les divergences culturelles génèrent des tensions qui peuvent menacer la stabilité nationale. L’éclatement de l’ex-Yougoslavie est une parfaite illustration de l’impossibilité de cohabitation de deux zones culturelles antagonistes héritées au nord de l’Empire austro-hongrois et au sud de l’Empire ottoman. L’uniformité culturelle apparaît de ce fait comme la solution à la cohésion.

Le partage de valeurs et normes communes est l’une des phases du processus d’uniformisation, et l’instrument privilégié de ce processus est la langue. Force est de reconnaître qu’un État ne pourrait vraisemblablement pas fonctionner en une vingtaine de langues, voire plus. Dans la cacophonie des langues et dialectes parlées dans une même nation, il est nécessaire de relier les différentes communautés autour d’une langue commune, dite « véhiculaire » : cela est le cas de l’anglais américain aux Etats-Unis, du français en France et dans les D.O.M-T.O.M, du mandarin standard en Chine et à Taiwan… Outre la fonction communicative, la langue véhiculaire est également ce qui permet le mieux de véhiculer une culture, tant orale qu’écrite. On voit en l’occurrence s’établir des liens culturels entre l’Espagne et l’Amérique du Sud autour de l’espagnol, entre le Portugal et le Brésil autour du portugais ou dans le monde musulman autour de l’arabe. Quant à l’anglais, considéré comme la langue véhiculaire par excellence, elle a permis la propagation du modèle culturel anglo-saxon à l’échelle internationale.

En plus de la mise en place de valeurs et normes communes, le processus d’uniformisation a également recours à l’assimilation pour effacer le particularisme culturel. Il s’agit pour les minorités culturelles, et en particulier celles issues de l’immigration, de se conformer au modèle du noyau culturel dominant. Ne dit-on pas « A Rome, fais comme les Romains » ? Il est cependant fort difficile pour tout individu d’abandonner son identité culturelle d’origine et de se fondre totalement dans le moule d’une autre culture. Cette normalisation forcée est très mal vécue par les minorités culturelles. Elle est perçue comme une tyrannie et un stratagème des groupes culturels dominants pour consolider leur prééminence. L’assimilation paraît d’autant plus arbitraire lorsqu’elle est imposée aux communautés indigènes. Citons le cas de l’Australie : le déclin de la population aborigène, estimée à 350 000 personnes au moment de l’arrivée des premiers Européens, est essentiellement dû à l’introduction de nouvelles maladies infectieuses mais aussi au changement de son mode de vie. Autorisé par la loi entre 1909 et 1969, le placement obligatoire des enfants aborigènes métissés hors des communautés indigènes, pour leur imposer un mode de vie européanisé, est considéré par certains historiens et Aborigènes comme un génocide car il a favorisé la diminution de la population aborigène. L’assimilation semble ainsi aller à l’encontre des principes démocratiques et intensifier l’animosité des groupes minoritaires vis-à-vis des groupes dominants.

La cohésion nationale en ce sens, ne semble pas reposer sur l’effacement des différences culturelles. Selon Antoine de Saint-Exupéry, « unifier, c’est nouer même les diversités particulières, non les affecter pour un ordre vain. ».(1)

La diversité culturelle : source de progrès et patrimoine de l’humanité

Au lendemain des évènements du 11 septembre 2001, lors de la 31e session de la Conférence générale de l’UNESCO, la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (2)  a été adoptée à l’unanimité dans l’objectif de rejeter catégoriquement la thèse de conflits inéluctables de cultures et de civilisations. Elle réaffirme par la même occasion la conviction des Etats membres que le dialogue interculturel est le meilleur gage pour la paix et voit dans cet échange la source de créativité et de progrès : « Chaque création puise aux racines des traditions culturelles, mais s’épanouit au contact des autres. ».

L’Histoire a montré que la rencontre des cultures différentes n’est pas uniquement conflictuelle mais peut être extrêmement fructueuse : de nombreux traités scientifiques et philosophiques sont parvenus en occident depuis la Grèce antique, l’Asie, la Mésopotamie, l’Inde, ainsi que des progrès techniques tels que la boussole, le sextant, les informations cartographiques, le papier, l’imprimerie, les chiffres arabes…

La Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle encourage ainsi les gouvernements, en partenariat avec le secteur privé et la société civile, à mettre en place ou à renforcer les mesures politiques et juridiques d’inspiration multiculturalistes dans le but de promouvoir le respect et la reconnaissance des différences culturelles.

En matière de multiculturalisme, le Canada et l’Australie arrivent en tête du peloton. Dès les années 1970, le terme multiculturalisme apparaissait explicitement dans le contexte politique du Canada (3). Il a été élevé au rang de principe constitutionnel en 1982 avec la Charte canadienne des droits et libertés et en 1988 avec la Loi sur le Multiculturalisme canadien pour affirmer publiquement que l’égalité civique est compatible avec le respect des différences culturelles et consacre officiellement la rupture avec le modèle assimilationniste. Dans le même esprit, Toronto arbore fièrement devant la gare centrale Union Station l’œuvre de l’artiste Francesco Pirelli le Monument au Multiculturalisme (4).

L’Australie est le second pays à adopter officiellement des mesures politiques multiculturalistes. Le Ministère de l’Immigration et de la Citoyenneté (anciennement connu sous le nom de Ministère de l’Immigration et des Affaires Multiculturelles) est à l’initiative en 2009 du Programme pour la Diversité et la Cohésion Sociale. Ce programme comprend deux éléments clés : l’attribution des subventions communautaires aux projets locaux dans la lutte contre la discrimination culturelle, raciale et religieuse et l’organisation de multiples manifestations interculturelles à travers le pays lors du Harmony Day, célébré le 21 mars de chaque année.

Autre grande figure du multiculturalisme, l’Argentine, réunissant des cultures et traditions de plus de 40 pays, a intégré la diversité culturelle dans le préambule de sa constitution. Elle accorde ainsi aux étrangers les mêmes droits civils que les Argentins. Le respect des minorités ethniques y est très important grâce à la valorisation des langues et des cultures indigènes dans les média. De nombreuses collectivités expatriées peuvent y célébrer leurs fêtes traditionnelles (comme la Saint Patrick) et exercer librement leur croyance avec la plus grande tolérance de la part des Argentins.

Bien que le pays soit majoritairement musulman, l’Indonésie compte également de grandes populations chrétiennes et hindoues et regorge de plus de 700 langues vivantes. La devise nationale « Bhinneka Tunggal Ika » (qui signifie littéralement « Unité dans la Diversité ») souligne la grande diversité culturelle qui façonne le pays. En raison de la migration de populations au sein de la nation (dans le cadre des programmes gouvernementaux de transmigration), de nombreux groupes ethniques résident hors de leurs régions traditionnelles. Pour améliorer les relations interculturelles, le président indonésien Abdurrahman Wahid a aboli certaines des lois discriminatoires peu de temps après son arrivée au pouvoir en 1999. Les Chinois indonésiens sont à présent dans l’ère de la redécouverte. Beaucoup de jeunes générations, qui ne parlent pas le mandarin en raison de l’interdiction des décennies plus tôt, peuvent renouer avec leur langue d’origine grâce à l’ouverture d’un grand nombre de centres d’apprentissage à travers le pays.

En France, 6e terre d’immigration derrière les Etats-Unis, la Russie, l’Allemagne, l’Arabie Saoudite et le Canada, le multiculturalisme fait débat dans le contexte politique contemporain bien que le droit français stipule clairement l’égalité devant la loi, le respect de la dignité humaine et l’interdiction de certaines discriminations. Dans le contexte professionnel, des mesures multiculturalistes sont insufflées par la Charte de la Diversité (5) née en 2004 de l’initiative de Claude Bébéar (6) et Yazid Sabeg (7) . La Charte a pour objectif de promouvoir la non-discrimination et la diversité culturelle dans les entreprises françaises : « Nos entreprises ont intérêt à refléter la diversité de la société dans laquelle elles sont implantées. De la même façon que la mixité hommes/femmes au travail est, de fait, un facteur de dynamisme social et un stimulateur de performances, la diversité relève non pas de la compassion mais bien de l’intérêt économique et social de l’entreprise. Dans d’autres pays, les entreprises qui ont placé la gestion de la diversité au cœur de leur stratégie, sont conscientes que la diversité dans nos sociétés est devenue un avantage tant sur le plan économique que social, dont l’impact se fait sentir sur la créativité et la compétitivité des entreprises. » En septembre 2009, le nombre de signataires de la Charte de la diversité s’élève à plus de 2500 (Bouygues Telecom, France Telecom, Axa France, Allianz, American Express France, BNP Paribas, Natixis, Société Générale, Champagne Moët et Chandon, Carrefour, Coca Cola France, L’Oréal, LU France, LVMH, Procter & Gamble, Michelin, Arcelor-Mittal, GDF-SUEZ, Air Liquid, PSA Peugeot Citroën, Renault SAS, Sanofi-Aventis…). Philippe Gas, Président d’Euro Disney S.A.S, a déclaré : « Disneyland Resort Paris (8) réunit aujourd’hui 13 000 employés représentant plus de 100 nationalités différentes. La diversité et le multiculturalisme sont bien plus que des concepts ou des objectifs à atteindre mais de véritables richesses nécessaires à la bonne réalisation des missions de l’entreprise ».

Selon la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, la diversité culturelle est bien plus qu’un droit. C’est une nécessité pour le genre humain, « aussi nécessaire qu’est la biodiversité dans l’ordre du vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine commun de l’humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures. ». Une idée partagée par Edgar Morin (9) qui a écrit dans le Dialogue sur la nature humaine, « Le trésor de la vie et de l’humanité est la diversité. » (10)

Alexandre Crazover

1. « Citadelle » dans Œuvres (1948), éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade – 1959

2. Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, 2 novembre 2001, http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001271/127162f.pdf

3. Il correspond au projet du Premier Ministre Pierre-Eliott Trudeau qui défendait l’idée que le Canada est une nation multiculturelle, constituée non seulement par les deux peuples fondateurs, mais aussi par l’ensemble des immigrés qui vivent au Canada.

4. Quatre sculptures identiques sont érigées à Buffalo City en Afrique du Sud; à Changchun en Chine; à Sarajevo en Bosnie et à Sydney en Australie.

5. L’idée de la Charte de la diversité a été lancée en janvier 2004, dans un rapport publié par l’Institut Montaigne « Les oubliés de l’égalité des chances », co-écrit par Yazid Sabeg et Laurence Méhaignerie. La Charte La Charte est alors proposée par Claude Bébéar et Yazid Sabeg le 22 octobre 2004 à 33 grandes entreprises et PME qui en seront les premières signataires. Le Secrétariat général de la Charte de la diversité est hébergé depuis septembre 2005 à IMS-Entreprendre pour la Cité, association qui fédère un réseau de 200 entreprises et les accompagne dans la mise en œuvre de leur responsabilité sociétale. Site officiel : http://www.charte-diversite.com/

6. Président d’honneur du groupe AXA. Il est également l’un des cofondateurs du groupe MIP, avec Bruno Bich et Martin Bouygues.

7. Homme d’affaires français d’origine algérienne, dirigeant de la SSII CS Communication et Systèmes, et commissaire à la diversité et à l’égalité des chances depuis le 17 décembre 2008.

8. Disneyland Paris a signé en 2009 la Charte de la Diversité en partenariat avec l’IMS, Entreprendre pour la Cité. En 2010, Disneyland Paris a reçu par l’AFNOR Certification le label Diversité.

9. Directeur de recherche émérite au CNRS, Président du conseil scientifique de l’Institut des sciences de la communication du CNRS et Président de l’Agence européenne pour la culture.

10. Unesco, Dialogue sur la nature humaine, éd. France Culture/l’Aube intervention – 2000

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Un entrepreneur en Chine (planète chinois décembre 2010)

16/01/2010

Alexandre Crazover a fait ses premiers pas en Chine à l’âge de 14 ans. Depuis, il n’a cessé d’élever des ponts entre la France et son pays d’adoption. Cet entrepreneur émérite place la compréhension de la culture de l’autre au centre de son projet professionnel, très fortement lié à son projet personnel.

Tout commence en classe de seconde lorsque le professeur Joël Bellassen (Bái Lèsāng de son nom sinisé) frappe à la porte et nous salue. Sans attendre, il dessine ce qui semble être un arbre et nous demande la signification de cette représentation. Étonnés de la simplicité de la question, nous répondons : « Un arbre ». Le professeur Bái acquiesce et nous révèle que c’est ainsi que s’écrit en chinois le mot arbre : 木. C’est pour moi le début d’un parcours particulier où l’Autre au sens large devient mon principal centre d’intérêt.

 Nous sommes en 1993, j’ai 14 ans. Ensuite, tout s’enchaîne : après un voyage de deux semaines en Chine avec ma classe, je tombe littéralement amoureux de ce pays aux multiples contrastes, promis à un avenir si dynamique à mes yeux. À mon retour, je m’aperçois cependant que cette vision est loin d’être partagée par la plupart des Occidentaux, persuadés que ce pays restera à jamais un pays du tiers-monde. Dès lors, chaque cours de chinois est l’occasion de vivre ce qui devient en moi une passion. Cet engagement se manifeste également par mon désir d’aider les gens de divers horizons à se comprendre et de percer ce qui peut rendre les différences de cultures moins opposées. Ce nouveau champ qui s’offre à moi semble si vaste ; chaque caractère chinois me fascine au point de commencer à apprendre la calligraphie – que je n’approfondis pas car mes talents trouvent très vite leurs limites. Après le baccalauréat, j’intègre une classe préparatoire HEC et mets de côté l’allemand pour choisir le chinois en deuxième langue. À cette époque, l’apprentissage du chinois était moins courant qu’aujourd’hui. Ce cursus ne propose pas de chinois, je suis donc des cours avec le professeur Bái à l’École alsacienne, fenêtre d’espoir pendant ces deux années assez éprouvantes de préparation aux grandes écoles.

À mon entrée à l’ESCP, j’ai la chance de décrocher un stage chez Indosuez à Shanghai pour y travailler pendant trois mois. Là-bas, ma passion se renforce et j’imagine ma vie future en Chine. Je découvre cette vie exaltante à Shanghai où l’histoire laisse peu à peu place à une vision tournée exclusivement vers l’avenir, malheureusement parfois au détriment de certains quartiers. De retour en France, je crée, avec une associée chinoise installée à Shanghai, une petite société d’import-export avec la Chine. Cela me permet de financer quelques voyages en Chine et de mettre au jour ma seconde passion : l’entrepreunariat. Dès lors, je sais qu’il me faudra trouver un métier alliant ces deux intérêts.

En deuxième année d’école de commerce – nous sommes en 1998 – j’effectue un stage chez L’Oréal. J’ai une intuition soudaine : la Chine sera le nouveau centre du commerce mondial dans les prochaines années et Internet prendra une place très importante dans notre vie quotidienne. Convaincu des bienfaits de la mixité culturelle, je décide alors de réunir une équipe d’associés aux origines diverses (un Français, une Chinoise, une Japonaise, un Suisse Italien et un Indien) pour fonder DATASIA (Direct Access To Asia), un groupe spécialisé en communication en langues asiatiques. Au cours de ma dernière année d’étude, l’école propose une majeure « Entreprendre dans les nouvelles technologies ». Je peux donc étudier tout en menant mon projet de création d’entreprise. D’excellents professeurs de l’ESCP ainsi que la chambre de commerce et d’industrie de Paris nous conseillent pour les débuts de Datasia. Mon diplôme de promotion m’est remis par le fondateur de Nature & Découverte, une véritable source de motivation pour continuer à faire vivre mon projet.

Au bout de 18 mois, le bouche-à oreille commence à agir et de grandes marques de luxe s’intéressent à notre positionnement. Ils nous confient de plus en plus de projets d’adaptation de sites Internet pour le marché asiatique. Par la suite, Datasia devient Datawords Datasia ; notre rôle est de nous occuper de la production digitale multilingue de grands groupes de luxe et cosmétiques notamment. Nous sommes aujourd’hui 140 salariés et disposons de plateformes de production en Europe et en Asie. Mon attrait pour le rapprochement des cultures se retrouve à plusieurs niveaux : d’un côté, je suis entouré d’associés et de salariés talentueux de différentes cultures, et de l’autre, nous aidons les grands groupes à se rapprocher de leurs filiales en mettant en place des matrices adaptées à chaque culture pour accélérer le déploiement des projets. Cela demande beaucoup de pédagogie, de patience et de respect d’autrui ; cela suppose également de savoir rechercher avant tout des compromis, de se remettre en cause plutôt que de vouloir imposer une vision extérieure.

L’accompagnement culturel et multilingue de Datawords se développe aujourd’hui fortement autour des nouveaux métiers. Ainsi, le référencement multilingue (sur Google, Yahoo au Japon, Baidu en Chine, etc.) place au coeur de sa problématique la culture locale de l’internaute, et non une logique mondiale et uniformisée : l’internaute n’utilise pas le même type de mots clés d’un pays à l’autre et une simple traduction de ces mots clés ne convient pas. Il faut aussi prendre en compte les us et coutumes spécifiques des internautes. Par exemple, un site Internet en anglais ne pourra être bien référencé en Chine. Même si tout va très vite aujourd’hui, les cultures de chacun tendent souvent à se renforcer par peur justement de perdre leur identité. Notre rôle est donc d’aider les grandes marques à respecter l’identité de chacun, même sur la Toile afin d’augmenter la visibilité de nos clients sur ce support dans chaque pays.

Je me permettrai d’entrouvrir une parenthèse : je ne pense devoir au hasard le fait de m’être marié avec une Française originaire de la république démocratique du Congo. Lorsqu’on s’intéresse sincèrement aux autres au niveau professionnel, il est difficile à titre personnel de ne pas faire de même, ou vice versa. Ma femme m’a d’ailleurs enrichi d’une autre vision que celle de l’Asie, où l’Afrique rappelle à chacun un ensemble de valeurs différentes.

Décidément, cet arbre dessiné au tableau m’a profondément marqué. L’apprentissage du chinois et des sinogrammes permet à l’étudiant de développer des capacités spécifiques de mémorisation : parfois, un simple trait distingue deux caractères et, avec patience et méthode, on parvient au fil des années à lire un journal en chinois en développant ainsi sa mémoire. L’apprentissage du chinois est aussi un jeu : qui ne s’est jamais amusé, en butant sur un caractère chinois, de trouver dans un dictionnaire le caractère en question grâce aux clés et au comptage des traits ? Je crois que la première fois, j’ai mis presque dix minutes à trouver celui que je cherchais. Mais l’on prend vite goût à ce jeu.

Apprendre cette langue conduit souvent à s’intéresser aux langues présentant aussi des graphies particulières, comme le japonais, l’arabe ou l’hébreu par exemple. Cette porte ouverte vers l’altérité ne se refermera jamais car le rapprochement des cultures guide mes pas. Je travaille en ce moment, avec un groupe d’amis, à la mise en place de nouvelles logiques d’entrepreunariat où l’actionnaire ne s’isole plus des profondes mutations que nos modes de consommations imposent. L’objectif serait de réussir à rapprocher les différentes logiques et intérêts de chacun pour trouver un nouveau sens de marche vers un capitalisme responsable. Ambitieux, certes, mais mon professeur de chinois, en nous faisant percevoir qu’apprendre cette langue était possible, nous a aussi appris à dépasser l’adversité avec philosophie, comme le dit le chengyu : 好 事多磨, la voie menant vers les bonnes choses est parsemée d’embûches….

Un entrepreneur en Chine (planète chinois décembre 2010), apprenez quelque mots de chinois



Bonne Année!! Dites le en …

01/01/2010

Anglais : Happy New Year

Chinois Simplifié: 新年快乐(xin nian kuai le)

Chinois Traditionnel : 新年快樂 (xin nian kuai le)

Espagnol : Feliz Año Nuevo

Allemand : Ein Gutes Neues Jahr

Japonais : 謹賀新年(kinga shin-nen)

Norvégien : Godt Nyttår

Hébreu : שנה טובה (shana tova)

Russe: С Новым Годом! (S novim godom)

Coréen : 새해 복 많이 받으세요 (saehae bok mani badeuseyo)

Italien : Felice Anno Nuovo

Persan/ Farsi : سال نو مبارک (sâle no mobârak)

Polonais: Szczęśliwego Nowego Roku

Grec : ΚΑΛΗ ΧΡΟΝΙΑ (kali chronia)

Vietnamien : Chúc mừng nǎm mới

Portugais : feliz ano novo

Arabe : عام سعيد (aam saiid)

Malgache : arahaba tratry ny taona

Serbe : Срећна Нова Година (Srećna nova godina)

Indonésien : Selamat Tahun Baru

Bulgare: честита нова година! (chestita nova godina)

Néerlandais: Gelukkig Nieuwjaar